Fast Fashion : à Évian, la radicalité fait son retour

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La conférence organisée le 2 octobre à Évian par la députée Anne-Cécile Violland et la co-présidente du Mouvement Impact France, Julia Faure, a marqué un tournant dans le débat sur la mode durable. L’heure n’est plus à la nuance : face au détricotage du texte sur la fast fashion, les acteurs présents ont appelé à une régulation plus large, plus ferme et plus rapide.

Une colère contenue

Devant un public attentif, Anne-Cécile Violland a ouvert la séance en rappelant l’ambition initiale de sa loi : encadrer un secteur devenu “un angle mort écologique”.

Mais entre les procédures européennes et les concessions techniques, le texte a été reporté à 2026, suscitant l’impatience des militants et des professionnels présents à Évian.

“La fast fashion détruit des emplois, ruine des territoires et pollue la planète. Chaque jour de retard est une victoire pour le cynisme économique”, a martelé une intervenante, sous des applaudissements nourris.

La tonalité du débat a rapidement dépassé la simple question réglementaire pour devenir une critique globale du modèle de la mode mondialisée.

De la pédagogie à la radicalité

Il y a quelques mois encore, la discussion publique portait sur l’“ultra fast fashion”, expression popularisée pour désigner les plateformes chinoises Shein et Temu. À Évian, ce vocabulaire a clairement été remis en question.

L’idée dominante est désormais que le problème ne se limite pas à ces nouveaux entrants : il touche aussi les géants historiques du secteur.

Zara, H&M, Primark, Zalando… tous faisant partie d’un même système industriel où le renouvellement constant, les bas prix et la surproduction forment la règle.

Le consensus qui se dégage est net : le législateur devra s’attaquer à toute la chaîne, sans exception.

Cette évolution du discours est significative. Elle marque un retour à une cohérence politique : ne pas opposer les marques entre elles, mais repenser un modèle global.

Une attente forte autour de Violland

Anne-Cécile Violland, longtemps considérée comme une voix mesurée du camp majoritaire, est désormais poussée à durcir le ton.

Les acteurs présents à Évian — représentants associatifs, entrepreneurs de la mode durable, élus locaux — comme ceux au niveau national attendent d’elle un signal clair : que la future mouture de la loi qui doit être examinée en Commission mixte paritaire s’attaque frontalement à la fast fashion dans son ensemble, sans se limiter à quelques symboles médiatiques.

“Si la loi veut être crédible, elle doit cesser d’épargner ceux qui polluent avec élégance”, a résumé un intervenant.

L’idée d’une approche globale, qui viserait aussi bien les pratiques de surproduction que les flux logistiques ou publicitaires, fait désormais consensus.

Un report qui fragilise le message

Le renvoi du texte à 2026 alimente une forme de scepticisme. Beaucoup redoutent que ce délai ne profite aux marques, qui continueront à occuper le terrain médiatique et commercial.

Entre-temps, les initiatives nationales risquent de perdre leur force d’entraînement.

Pour les acteurs présents à Évian, le temps politique ne peut plus être déconnecté du temps économique. Chaque report est perçu comme un recul, chaque prudence comme un renoncement.

Vers une offensive écologique plus radicale ?

À l’issue de la conférence, plusieurs intervenants ont plaidé pour une “seconde étape législative” : une loi élargie, plus radicale, capable d’embrasser toute la chaîne du textile, du marketing jusqu’au recyclage.

Une telle évolution serait cohérente avec l’esprit initial du projet : faire de la France un laboratoire de régulation du secteur.

La députée Anne-Cécile Violland s’est dite prête à rouvrir la discussion, laissant entendre que la future version du texte pourrait inclure de nouveaux mécanismes incitatifs et contraignants.

Un signal politique

La réunion d’Évian a donc valeur de signal : la patience des acteurs engagés touche à sa fin.

Si la France veut rester à la pointe de la transition textile, elle devra assumer une posture plus offensive et ne plus se contenter de cibler les excès d’une poignée de plateformes.

De quoi inquiéter H&M, Zalando, Primark, Zara et autres mastodontes de la fast fashion ? c’est ce qu’espèrent les acteurs présents à Évian.